mercredi 1 avril 2015

Le secteur diamantaire se réjouit de payer plus d’impôts

Imaginez la FGTB se rejouir d’une hausse de la TVA. Ou Electrabel applaudir une nouvelle taxe sur ses centrales nucléaires. Surréaliste? Pas pour les diamantaires. Le principal lobby défendant les intérêts des diamantaires (WDC) a en effet félicité le gouvernement Di Rupo pour la mise en place de la nouvelle « taxe carats », qui devrait rapporter 50 millions d’euros dans le budget 2015.

Le Wallonia Diamond Centre (WDC) serait-il masochiste au point de réclamer une plus forte imposition ? Pas vraiment. En réalité, les diamantaires liégeois, carolos et montois réclament cette taxe depuis plus de deux ans. Officiellement, pour une « plus grande sécurité juridique». Officieusement, pour que le fisc arrête de mettre son nez dans leurs affaires.

Pratiquement, la «taxe carats » permettra – une fois en vigueur – aux diamantaires wallons d’échapper à l’impôt des sociétés pour bénéficier d’un régime spécifique: ils payeront un impôt sur leur chiffre d’affaires et plus sur leur bénéfice. Nous avons sollicité le ministre du Budget (Hervé Jamar, socialiste pourtant wallon) et celui des Finances (Johan Van Overtveldt, socialiste flamand) pour en savoir plus sur les modalités de cette taxe, sans réponse. Mais il est une évidence : le nouveau régime des diamantaires wallons sera fiscalement plus favorable. 
« C’est un régime préférentiel par rapport à l’impôt des sociétés, j’ai fait la même chose pour les bateliers de l'Escaut quand j’étais ministre des Finances», a assumé Didier Reynders, vice-Premier sur les ondes de La Première. « Le but est de tenter de garder une activité diamantaire dans la Région, car on sait qu’il y a énormément de départs vers les îles Féroé », ajoute le socialiste.
En résumé, les diamantaires reçoivent donc un traitement de faveur... qui va rapporter 50 millions supplémentaires à la trésorerie de l’Etat ! Insensé ? Le ministre du Budget renvoie vers le cabinet Finances pour les justifications des prévisions budgétaires (cherchez l’erreur). Et personne aux Finances n’a souhaité détailler les hypothèses de calcul. Mais la logique du gouvernement serait la suivante : en réduisant la taxation du secteur diamantaire, on espère réduire également le niveau de fraude de ces incorrigibles wallons. Les montants déclarés par les rois du carat devraient donc augmenter. Et, même avec un taux d’imposition plus faible, les recettes iront grandissant. 

Mais la mesure ne fait pas l’unanimité. Dans un récent rapport, le GAFI, instance inter-gouvernementale de lutte contre le blanchiment (http://www.fatf-gafi.org/topics/methodsandtrends/documents/ml-tf-through-trade-in-diamonds.html), s’en prenait vivement à nos diamantaires wallons. 
« Les contrôles dont ils font l’objet demeurent très limités et les déclarations d’opérations suspectes sont inexistantes malgré le risque avéré de blanchiment d’argent via ce secteur », selon le rapport.  Pire, «le nombre d’enquêtes et de condamnations pénales ne semble pas en adéquation avec le niveau de risque identifié jusqu’à présent». 
Pour alimenter les caisses de l’Etat, le gouvernement aurait donc pu décider de renforcer les moyens de lutte contre la fraude fiscale pour s’assurer que les diamantaires wallons payent bien l’impôt dû. Di Rupo II a opté pour l’autre voie : réduire l’impôt dû pour inciter le secteur à un peu moins frauder. L’opposition gronde. Et il faudra également convaincre la Commission européenne que ce régime préférentiel ne constitue pas une aide d’Etat illégale, particulièrement injuste vis-à-vis des diamantaires slovènes et portugais...