samedi 21 mai 2016

HTTP 404 : Belgian State not available

Depuis plus de 50 ans que je suis, souvent distraitement vu l'indigence habituelle du sujet, l'actualité politique belge, je n'ai entendu parler quasiment que de "réforme de l'Etat", "Communautés", "Régions", communes à "facilités", négociations communautaires, "sonnettes d'alarme", niveaux de pouvoir, transferts de compétences et de "sensibilités politiques" différentes au nord et au sud du pays. Ça se couplait à intervalle régulier avec des refrains eurolâtres promettant de dépasser nos problèmes par une intégration à un plus haut niveau.

Comme pour conjurer l'évidence du salmigondis institutionnel ainsi créé, d'aucuns se gargarisaient de temps à autres de notre "modèle belge" comme pouvant servir à d'autres pays en difficulté. Heureusement pour la planète, déjà surchargée de problèmes bien plus graves, nous sommes restés dans notre splendide isolement, sujet de l'intérêt, au mieux amusé, du reste de la planète, et même ou surtout de nos voisins immédiats. Il faut cependant observer que l'Union Européenne a reconnu d'une certaine manière notre rôle de précurseurs, en adoptant un schéma institutionnel à peu près aussi abscons que le nôtre. On sait où cela l'a menée.

Regardons un instant les faits. Nous sommes quelques onze millions à vivre dans ce pays. C'est aujourd'hui la taille de nombreuses villes en Europe et dans le monde. Pour gérer ces métropoles, on a généralement, du moins dans les démocraties, élu un Conseil Municipal qui, à son tour, a désigné un(e) Maire et des adjoints pour exercer le pouvoir exécutif. On est là assez loin du "modèle belge".

D'aucuns s'offusquent aujourd'hui d'être affublés du qualificatif de "failed State", persuadés que leur Art de multiplier les gouvernements est en réalité le signe que nous avons perfectionné la notion d'Etat à un niveau jamais atteint. C'est faire fi d'un principe démocratique élémentaire qui garantit à tous les citoyens le droit de comprendre comment ils sont gouvernés. C'est aussi oublier que, malgré les rodomontades affirmant qu'un État doit être géré comme une entreprise, nous avons créé un modèle d'inefficacité qui absorbe une part anormale de la richesse du pays tout en n'arrivant même plus à fournir les services qui fonctionnaient plutôt bien avant toutes ces "améliorations"; le cas des Allocations familiales est exemplaire, mais la liste est sans limite.

Confronté à l'image désastreuse que nous projetons à l'extérieur, et que nous continuons à détériorer chaque jour en proclamant des niveaux d'alerte préoccupant les faibles d'esprit, ou en déployant des soldats et des véhicules militaires dans nos rues, nos gouvernants viennent d'annoncer une grande campagne internationale de "relations publiques" destinée à nier l'évidence. On va encore ajouter une couche de ridicule à nos sommets d'incompétence. On va encore essayer de traiter les symptômes comme on ne peut rien contre la maladie.

Rien?

L'Etat n'a pas toujours eu bonne presse dans l'Histoire. Les états féodaux, policiers, totalitaires, tyranniques ou obscurantistes ont sérieusement terni le concept d'Etat. La démocratie lui a cependant donné un tout autre sens, en érigeant enfin un État selon la volonté de la majorité, défenseur des acquis historiques, promoteur de nouveaux progrès sociaux, éducationnels, culturels, sociétaux et économiques. Encore faut-il pour cela que l'État fonctionne, ce qui n'est manifestement plus le cas dans notre pays.

Quelle que soit l'orientation que les citoyens veulent donner à leur État, et j'ai comme chacun des idées  précises en la matière, il importe de restaurer d'abord un État démocratique capable de fonctionner. Cinquante ans d'expériences malheureuses nous indiquent clairement ce dont il est urgent de se détourner. Alors, si on faisait simple, efficace et, surtout, démocratique: un pouvoir exécutif, un pouvoir législatif et un pouvoir judiciaire. Exit huit de nos neuf exécutifs, exit neuf de nos dix assemblées législatives (dont ce Sénat dont tout le monde se demande comment il se fait qu'il existe encore), exit les Provinces, exit la notion de "Chef d' État" qui ne l'est pas.

Impossible me direz-vous car vous ne tenez pas compte de votre opinion mais de celle, supposée, des "autres". "Ils n'accepteront jamais, etc." Ah bon? On veut faire fonctionner l' État mais seulement en en rajoutant encore une couche?

Renversons le processus: définissons ce que nous voulons, et qui nous aiment nous suivent. Les frontières des États sont un facteur volatile à l'échelle de l'Histoire. Si celles que nous connaissons aujourd'hui ne conviennent plus, changeons-les. On a raté cette possibilité au niveau européen (et ce n'est peut-être pas une si mauvaise chose au vu de l'évolution de l'UE); essayons autrement.

2 commentaires:

  1. Analyse que je partage très largement car elle met l'accent sur l'évolution structurelle, à long terme et non sur tel ou tel phénomène transitoire (une gouvernement, une majorité, une crise etc.).

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  2. Merci pour ce commentaire élogieux.
    C’est bien ce que j’essaie de transmettre quand je m’épanche ainsi…

    Thierry

    P.S. À qui ai-je l’honneur?

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