On nous parle beaucoup des débats en cours en
Angleterre quant au Brexit. On omet parfois de dire que la question aujourd’hui
ne se résume plus qu’à : « Êtes-vous xénophobe, oui ou
non ? » C’est un véritable drame
pour nos amis anglais progressistes qui ont une vision du monde aussi
clairvoyante et généreuse que leurs camarades du « continent ». Mais, pour nous, la question doit se poser
différemment. J’ai écouté avec intérêt
l’interview de Yanis Varoufakis pour qui le départ des Anglais nous
replongerait dans une situation un peu comparable à celle des années 30. J’entends son argument mais ne le partage
pas.
Si l’on remonte un peu en arrière, on se
rappelle que la Grande-Bretagne n’a rejoint ce qui deviendra l’Union européenne
qu’en 1973. Ce ralliement tardif est surtout dû à une vision fort différente de
ce que ce type d’union doit être. Vu la mise à l’écart prolongée des
Britanniques, essentiellement due à la France, ceux-ci ont d’ailleurs créé une
Association Européenne de Libre Échange (AELE) qui correspond bien mieux à leur
vision de ce que « l’Europe » devrait être : un grand marché de
libre échange de produits. Point barre.
Mais l’AELE ne tient pas la route face au « Marché Commun »,
pas encore fort différent de cette AELE mais avec des ambitions bien plus
larges. Les Anglais renonceront donc à cette AELE et rejoindront les
Communautés européennes en 1973, mais sans que leur programme ne change d’un
iota.
Ils n’auront donc de cesse depuis de faire en
sorte qu’un projet européen qui dépasse les ambitions d’un syndicat de
boutiquiers échoue. Et ils obtiendront de nombreux succès. Tout en obtenant un
nombre important de dérogations quant à l’application chez eux des normes
européennes, ils veilleront avec soin à ce que celles-ci stagnent au maximum
chez leurs nouveaux amis. S’ils ont bien entendu dû passer sous les fourches
caudines de l’union douanière, ils ont parfaitement réussi à éviter toute union
fiscale et, surtout, sociale. Ne parlons
évidemment pas de politique étrangère où, avec la complicité d’autres États,
ils ont réussi à maintenir la prééminence de l’OTAN, réduisant à néant par là
toute possibilité pour l’Europe de jouer le moindre rôle sur la scène
internationale.
Les Anglais ne sont évidemment pas les seuls
responsables du fiasco européen. Leurs alliés danois des origines ont été
renforcés par le contingent des anciens satellites de l’URSS, ne faisant guère
de différences entre OTAN et Union Européenne, comme entre démocratie et
comportement mafieux (stade suprême du libéralisme).
Le départ des Anglais, malheureusement pas
encore certain aujourd’hui, serait une bénédiction pour l’Europe, quels que soient
les projets de cette Europe car, ils n’ont aucune chance de jamais aboutir tant
que les Anglais y pèseront. Si le départ des Anglais est une condition
nécessaire mais pas encore suffisante, ce serait déjà un bon signe. Si les
Danois, Suédois mais surtout Polonais, Hongrois ou autres Tchécoslovaques voulaient
larguer les amarres, nous leur souhaiterons bon vent. Il y en a même quelques
autres qui mériteraient d’être expulsés au passage, à commencer par les
prédateurs luxembourgeois…
Mais, ce serait la fin de l’Europe tout
ça ! Pas du tout. Ce serait même peut-être
le début d’une Europe, une autre Europe, mais une Europe sans doute plus proche
du mythe fondateur, celui de la paix entre des nations réconciliées (but
largement atteint pourvu que l’on n’ait pas été yougoslave). Ce serait une
Europe débarrassée de la tutelle de gouvernements qui n’en veulent pas (sauf
quand elle peut leur rapporter quelque chose), une Europe de politiques de
coopération et plus de compétition, une Europe soucieuse de ses habitants et
pas de la vitalité du commerce mondial, une Europe harmonisée, une Europe
sociale.
Alors, chers amis Anglais, votez
« Leave », prenez vos cliques et vos claques et débrouillez-vous.
L’Europe n’a que faire de votre superbe égoïsme. Votre Empire s’est effondré en
1947 et il serait temps de commencer à vous en rendre compte. Nous ne vous remercierons
pas pour le temps passé ensemble car il fut généralement désagréable. Mais, si
un jour le vent tournait sur vos îles, nous vous accueillerons volontiers parmi
nous. Mais cette fois, sans plus la moindre exception.
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