dimanche 19 juin 2016

Partez les premiers, messieurs les Anglais

On nous parle beaucoup des débats en cours en Angleterre quant au Brexit. On omet parfois de dire que la question aujourd’hui ne se résume plus qu’à : « Êtes-vous xénophobe, oui ou non ? »  C’est un véritable drame pour nos amis anglais progressistes qui ont une vision du monde aussi clairvoyante et généreuse que leurs camarades du « continent ».  Mais, pour nous, la question doit se poser différemment.  J’ai écouté avec intérêt l’interview de Yanis Varoufakis pour qui le départ des Anglais nous replongerait dans une situation un peu comparable à celle des années 30.  J’entends son argument mais ne le partage pas.

Si l’on remonte un peu en arrière, on se rappelle que la Grande-Bretagne n’a rejoint ce qui deviendra l’Union européenne qu’en 1973. Ce ralliement tardif est surtout dû à une vision fort différente de ce que ce type d’union doit être. Vu la mise à l’écart prolongée des Britanniques, essentiellement due à la France, ceux-ci ont d’ailleurs créé une Association Européenne de Libre Échange (AELE) qui correspond bien mieux à leur vision de ce que « l’Europe » devrait être : un grand marché de libre échange de produits. Point barre.  Mais l’AELE ne tient pas la route face au « Marché Commun », pas encore fort différent de cette AELE mais avec des ambitions bien plus larges. Les Anglais renonceront donc à cette AELE et rejoindront les Communautés européennes en 1973, mais sans que leur programme ne change d’un iota.

Ils n’auront donc de cesse depuis de faire en sorte qu’un projet européen qui dépasse les ambitions d’un syndicat de boutiquiers échoue. Et ils obtiendront de nombreux succès. Tout en obtenant un nombre important de dérogations quant à l’application chez eux des normes européennes, ils veilleront avec soin à ce que celles-ci stagnent au maximum chez leurs nouveaux amis. S’ils ont bien entendu dû passer sous les fourches caudines de l’union douanière, ils ont parfaitement réussi à éviter toute union fiscale et, surtout, sociale.  Ne parlons évidemment pas de politique étrangère où, avec la complicité d’autres États, ils ont réussi à maintenir la prééminence de l’OTAN, réduisant à néant par là toute possibilité pour l’Europe de jouer le moindre rôle sur la scène internationale.

Les Anglais ne sont évidemment pas les seuls responsables du fiasco européen. Leurs alliés danois des origines ont été renforcés par le contingent des anciens satellites de l’URSS, ne faisant guère de différences entre OTAN et Union Européenne, comme entre démocratie et comportement mafieux (stade suprême du libéralisme).

Le départ des Anglais, malheureusement pas encore certain aujourd’hui, serait une bénédiction pour l’Europe, quels que soient les projets de cette Europe car, ils n’ont aucune chance de jamais aboutir tant que les Anglais y pèseront. Si le départ des Anglais est une condition nécessaire mais pas encore suffisante, ce serait déjà un bon signe. Si les Danois, Suédois mais surtout Polonais, Hongrois ou autres Tchécoslovaques voulaient larguer les amarres, nous leur souhaiterons bon vent. Il y en a même quelques autres qui mériteraient d’être expulsés au passage, à commencer par les prédateurs luxembourgeois… 

Mais, ce serait la fin de l’Europe tout ça !  Pas du tout. Ce serait même peut-être le début d’une Europe, une autre Europe, mais une Europe sans doute plus proche du mythe fondateur, celui de la paix entre des nations réconciliées (but largement atteint pourvu que l’on n’ait pas été yougoslave). Ce serait une Europe débarrassée de la tutelle de gouvernements qui n’en veulent pas (sauf quand elle peut leur rapporter quelque chose), une Europe de politiques de coopération et plus de compétition, une Europe soucieuse de ses habitants et pas de la vitalité du commerce mondial, une Europe harmonisée, une Europe sociale.


Alors, chers amis Anglais, votez « Leave », prenez vos cliques et vos claques et débrouillez-vous. L’Europe n’a que faire de votre superbe égoïsme. Votre Empire s’est effondré en 1947 et il serait temps de commencer à vous en rendre compte. Nous ne vous remercierons pas pour le temps passé ensemble car il fut généralement désagréable. Mais, si un jour le vent tournait sur vos îles, nous vous accueillerons volontiers parmi nous. Mais cette fois, sans plus la moindre exception.

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